Karl Kasser a atterri dans un camp situé près de Krasnoïarsk en Sibérie. Il est l’un de ces deux millions de soldats qui se sont retrouvés en captivité chez les Russes au cours de la guerre. Tout au long du conflit, les camps de prisonniers se sont multipliés dans le monde entier, pas seulement en Europe, mais aussi au Japon, en Afrique, au Proche et au Moyen-Orient. Entre 1914 et 1918, on estime qu’au moins un soldat sur huit a été prisonnier de guerre. Le contact avec le pays fonctionne par intermittence. A Noël, les prisonniers reçoivent du courrier et des « cadeaux », témoins de l’amour de la mère patrie pour ses soldats. Karl Kasser a par ailleurs eu la visite d’une infirmière autrichienne de la Croix-Rouge.

Ceux qui avaient de l’argent se sont cotisés pour que nous ayons un moment de joie loin du pays et des nôtres. Ils ont acheté un arbre de Noël. Mon collègue et moi, nous n’avons pas pu participer à la quête. Nous n’avions même pas de quoi acheter une carte pour écrire à nos familles. Nous n’avions pas encore reçu l’argent de l’infirmière. Seuls ceux qui avaient pu travailler durant l’été avaient un peu d’argent. L’arbre fut dressé et paré de quelques bougies que nous allumâmes. (…) A la fin, nous avons tous chanté un chant de Noël. Il y avait 300 hommes rassemblés dans la baraque, tous autour de l’arbre de Noël. Nous avions tous les yeux embués, les larmes coulaient sur nos joues. A cette heure plus que jamais, nous pensions tous à ceux que nous aimions au pays.
Tous, nous nous sentions totalement abandonnés. Dans notre esprit, les souffrances et les brimades que nous avions endurées, l’avenir nimbé de noirceur qui s’offrait à nous. (…) Nous espérions tous que ce Noël serait le dernier et que nous serions bientôt libérés pour de bon. La sœur nous promettait que nous rentrerions bientôt, nous assurant que les négociations de paix avaient commencé.