En novembre 1918, l’Empire allemand s’effondre : sur le front occidental, la défaite militaire est inévitable et, dans le pays, l’Empereur et les autres princes sont balayés par une révolution. La révolte débute parmi les matelots de la marine impériale, qui refusent de mourir dans un dernier sacrifice vain – et elle se répand à travers tout le pays. Pour Ethel Cooper, la fin de la guerre signifie qu’elle va enfin pouvoir quitter le pays.

République allemande ! Ma chère Emmie, j’ai vu le drapeau rouge. Tout a commencé lundi dernier – Nous avons lu dans les journaux du soir que les matelots se sont soulevés à Kiel, ont désarmé leurs officiers, hissé le drapeau rouge sur tous les navires, et que le gouvernement a cédé à pratiquement toutes leurs revendications. (...)
Vendredi, en allant déjeuner, dans une des artères principales de la ville, j’ai vu marcher vers moi une foule dense et grise agitant à sa tête un drapeau rouge. Je dois dire que j’étais comme clouée au sol, mon cœur battait la chamade. Comme tu le sais, j’attends ce moment depuis des semaines, mais lorsqu’il survient, on en a le souffle coupé. Il y avait là quelques centaines de soldats en uniforme, mais sans bandoulière, sans matricule, sans ceinture et sans arme. Je me suis retrouvée à côté d’un soldat avec tout son barda et son paquetage d’assaut. (...) « C’est fini », m’a-t-il dit, « tout est fini ». J’ai encore posé quelques questions, mais il a continué à tituber comme dans un songe ; Je ne crois pas qu’il voyait, entendait, ou pensait quoi que ce soit. Il ne faisait que répéter sans cesse « C’est fini, tout est fini ».