04.09.1916
L’anéantissement de la compagnie
« Apparemment, j’ai encore eu une chance énorme. »
Apparemment, j’ai encore eu une chance énorme, car notre bataillon était à peine en position que le feu anglais s’est déchaîné. Après dix heures de préparation, les Anglais ont attaqué, pris Guillemont, et même poussé jusqu’en bordure de la forêt de Leuce. Les nôtres se préparaient à contre-attaquer, mais à l’approche du crépuscule, les compagnies se sont tapies dans des trous en terrain découvert, et ont subi un feu soutenu dans la pénombre. Trois officiers blessés sont sortis de cette fusillade.
Ils m’ont dit que mon bataillon avait vraisemblablement été exterminé ou capturé, parce qu’ils n’avaient vu aucune lumière à l’arrière, et toutes les communications étaient coupées, y compris avec le commandement des unités combattantes. Quand je pense à la perte de certains bons camarades, je suis tout de même un peu triste. Comme par miracle, le hasard de ma blessure m’a soustrait à un tel sort, et aussi étrange que cela puisse paraître, j’aurais préféré être aux côtés de mes camarades et subir moi aussi la main de fer de la guerre.
J’ai déjà vécu beaucoup de choses dans cette guerre, la plus grande des guerres, mais le but de toutes ces expériences, l’assaut et le corps à corps de l’infanterie, la chance ne m’a toujours pas été donnée de le vivre à ce jour. Assaillir l’ennemi, lui faire face, c’est autre chose que cette guerre d’artillerie sans fin. Voilà pourquoi il faut laisser la blessure guérir puis repartir au combat. Mes nerfs en redemandent encore!