25.04.1915
La première blessure
C’est arrivé comme un orage. A chaque coup qui retentissait, les branches s’abattaient à terre. (…) Nous sommes repartis en courant avec le sentiment désagréable qu’à chaque instant, nous pouvions être frappés dans le dos par des éclats. (…) Je me retrouvais une fois encore avec Kaluppa derrière un hêtre massif. Quelques obus ont encore éclaté à proximité, et j’ai été projeté par un coup violent. « Vous êtes blessé » « Peut-être, je ne sais pas » « Mais non, ce n’est que de la boue » « Si, regardez la tache de sang ! En retrait ! » Le souffle incessant des obus dans mon nez et ma bouche m’embrouillait un peu les esprits. Je voyais bien le sang couler de ma cuisse, mais je ne voulais pas bouger de l’abri que m’offrait le hêtre. Je finis par entendre raison, j’abandonnai mon paquetage dans la boue, m’appuyai sur mon fusil comme sur une canne et repartis le plus vite possible vers la tranchée. Plus je m’en approchais, plus l’afflux de blessés était dense. La tranchée elle-même était pleine de blessés et de mourants. L’un avait un triangle enfoncé dans l’arrière du crâne, et gémissait continuellement des Uh uhuh de douleur. Un autre présentait une horrible déchirure dans le dos. Je ressortis aussitôt de la tranchée, parce que la progression y était trop lente, et la longeai en courant. Peu avant d’atteindre le poste de secours, je fus pris de nausées, je m’allongeai et me défis de mon harnachement, ne conservant que ma longue vue attachée autour du cou.